samedi 18 avril 2009

Pas Vu pas Lu

Les spectateurs au Teatro de la Laboral sont un concept, j'en suis maintenant persuadée...

Il y a quelque temps, je vais au théâtre, suis assise au troisième rang et ne vois strictement rien. Pourquoi ? les fauteuils sont collés les uns aux autres, alignés les uns derrière les autres (pas de rangs en quinquonce comme on en trouve généralement au cinéma ou au théâtre), dans une salle plate (pas de pente pour surélever petit à petit les rangs) et la scène est plutôt basse. En fait si, je vois quelque chose : la tête de ma voisine de devant. Je me tortille pour apercevoir la scène mais je ne suis pas la seule et chacun gêne l'autre. La gymnastique collective devient bientôt ennuyeuse (il est strictement interdit de changer de place même si le théâtre est à peu près vide et que deux rangs derrière, ou tout au fond, on y voit finalement mieux mais c'est ainsi, la règle est intraitable sous le contrôle de cerbères tout de noir vêtus - LABORAL écrit en blanc - laborieux en français...).

Bref, je râle et me promets de ne plus y f... les pieds.
J'y retourne parce que la vie est ainsi et surtout parce que les conseils de mon amie Christine sont pressants : je dois aller voir la chambre d'Isabella (je confirme, c'est génial). Cette fois-ci, les portes du théâtre restent closes et on nous conduit (on est toujours aussi peu dans le public, à croire que c'est privé) dans l'arrière-théâtre, dans la salle de répétition. Oh que c'est chouette, là on est sur des gradins et on voit le spectacle (superbe ! Quel honte de ne pas avoir réuni plus de public ! Merci le condé, le vulu et mes amis espagnols d'être venus le lendemain à mon message !).

Aujourd'hui, visite guidée de la Laboral. Décidément.
Très bien d'ailleurs, avec des animations pour s'approprier les lieux, dont un, la salle de musique. On s'assoit pour écouter deux demoiselles.

Et là, je comprends le concept !

Nous, le public, ne sommes pas là pour voir, entendre, profiter, etc. Nous sommes là pour ne pas déranger. Nous sommes un concept. C'est nouveau, c'est top à la mode, c'est unique au monde, c'est à Gijón. Hors le premier rang, personne ne doit rien voir. On met sûrement des têtes en carton au premier rang d'ailleurs, ou bien des cerbères qui regardent le public pour être sûrs qu'il ne bouge pas (le public). Comment je sais cela ? Et bien dans la salle de musique assez grande pour tenir deux cents "spectateurs" (je mets entre guillemets car je ne sais plus comment nommer ces gens qui font du bruit, s'installent pour voir un spectacle, ont payé - pas lors de la visite guidée, c'était gratuit -, mais ne doivent rien voir du spectacle), même principe qu'au théâtre : impossible de voir autre chose que la tête de son voisin de devant. Encore que là, les jeunes femmes (je sais que ce sont des femmes car j'ai triché, je me suis levée et j'ai vu des boucles brunes) jouaient du violoncelle. J'ai vu le haut du violoncelle. C'était bien.

J'en ai conclu que l'installation du théâtre n'était pas due au hasard ni à la bêtise d'un vague chef de chantier ni à l'ivrognerie du maître d'oeuvre ni à rien de mesquin. C'était voulu, répété, conçu pour être déployé à grande échelle. Un concept quoi !

Question en suspens : pourquoi reste-t-il certaines salles (de répétition) avec des gradins comme ailleurs ?

Créer son blog


Le 16 avril, nous étions quatre pour apprendre à créer notre blog en trois clics.

Au bout d'une heure, nous arrivions au deuxième clic... Ce n'est donc pas si simple : les écrans se compliquent pour ceux qui n'ont jamais mis les pieds, les yeux, les mains, que sais-je, sur Internet. C'est de plus en plus fait pour les habitués ou les jeunes qui n'ont peur de rien. Alors nous, les plus lents, les plus vieux et les plus timides, il nous faut du temps pour comprendre que le clic là a tel effet là-bas, que le truc imbitable doit être lu avec des lunettes à triple foyer pour être recopié sinon la page n'est pas validée, que la touche retour arrière n'est pas la touche retour chariot, que non ma petite fille ne va pas me prendre pour une nouille si je fais un blog sur mes lectures, que oui il faudrait que je dise à mon mari de ne pas rester dans mon dos quand je tente de me connecter, pour me donner des conseils que je ne comprends pas et pour me virer de la place au bout de cinq minutes, mais que bon, c'est quand même bien pratique quand il me dépanne... Allons-y ! Aïe ! J'ai oublié mon mot de passe !

dimanche 15 février 2009

vulu 2009


Le VuLu c'est la liberté : on regarde des films, sous-titrés français, on lit des recettes de cuisine ou des romans, à haute voix pour corriger notre accent, on apprend à faire des blogs, on papote... Et je ne prends pas de note !
Prenez la dernière fois, jeudi 12 : nous avions prévu de parler "typographie", documentations à la clé, de faire des travaux pratiques sur Word (espaces insécables, paragraphes solidaires, etc.) et de comparer nos différences entre la France, l'Espagne, etc. Résultat, nous avons abordé LE sujet : l'éducation des enfants, la place de la femme, le rôle de l'homme. C'était le temps de boire notre café (eh oui, au VuLu nous sommes peu nombreux, alors on se paye un petit café et des gâteaux) avant de passer aux choses sérieuses.
Eh bien là, j'ai regretté de ne pas prendre de notes car le débat fut vif et passionnant ! Tant pis, tant mieux, c'était un bon moment !

lundi 25 février 2008

Les expositions permanentes de l'Alliance


Un avant goût des oeuvres de Gérard Applancourt dans les locaux de l'alliance.
Venez profiter de tous ses tableaux mais aussi d'autres expositions temporaires...


lien avec le condé

L'atelier VuLu a lieu une fois par moi, le jeudi de milieu de mois.
L'alliance française de Gijon accueille également l'atelier Condé, tous les derniers jeudis du mois (voir son blog : http://condeafg.blogspot.com/)

Dominique Manotti à l’Alliance Française de Gijón le 10 juillet 2007

Née en 1942, universitaire (historienne de la révolution industrielle 1780-1830) à la retraite, militante syndicale depuis l’adolescence jusque 1983, auteur de polar depuis 1993. Succès immédiat avec « Sombre sentier » (traduit en espagnol, acheté à l’alliance) puis « à nos chevaux », « Kop », « Nos fantastiques années fric », « Le corps noir » (traduit), « Lorraine connection ». Voir aussi :
http://www.dominiquemanotti.com/index.html
http://patangel.free.fr/ours-polar/auteurs/manott1.php

Dominique répond à nos questions ce 10 juillet 2007 en pleine semana negra. Nous (Carmen, Marie-Luz, Teresa, ?, Alberto, ?, Vicky, ?, Toya, Carmen G, Maria José, Audrey, Delphine, Béatrice, Angela) en profitons :

Q : Pourquoi des romans ?
R : J’étais adolescente en France pendant la guerre d’Algérie. Cela m’a marquée : une grande partie de la jeunesse a refusé de faire la guerre mais tous les partis politiques les ont abandonnés. Ce fut un mouvement très important qui n’a pas porté ses fruits. Ensuite, le syndicat étudiant a été le premier à reconnaître le syndicat algérien.
Je fais partie d’une génération très politique : luttes ouvrières dans les années 60 ; mouvements étudiants et sociaux en 68 ; puis nombreuses grèves ouvrières avec un espoir de transformation de la société. Vous vous souvenez de LIP ? C’était une grève de transformation des rapports sociaux, de la remise en cause de la hiérarchie.
Ce sont aussi des années de luttes féministes avec des batailles très violentes contre Pompidou, qui était très réac, très gaulliste. Nous avions l’impression d’une chape de plomb sur la société. Par exemple, les logements étudiants n’étaient pas mixtes ; mai 68 commence par la demande de donner droit aux garçons d’aller dans la cité des filles.
Nous avons au moins réussi deux choses importantes : l’avortement et la contraception. On avait la pratique : de 70 à 74[1], on défie les autorités avec des avortements illégaux partout. Des médecins ont été radiés de l’ordre mais jamais personne n’a été en prison. La France est une société très machiste[2].
En 1981, l’avènement de François Mitterrand marque la fin de la gauche : d'extrême droite dans sa jeunesse, il resta très marqué par cette culture Vichyste. C’est aussi un homme qui a un grand sens du politique : il a compris à l’hiver 42-43, lors de Stalingrad, qu’il s’agissait du tournant de la guerre, qu’à ce moment Hitler était battu. C’est le moment d’ailleurs où beaucoup de gens prennent contact avec les Américains. Mitterrand est remis en scène par l’Oréal et il restera toujours fidèle à ses amis (d’extrême droite)[3]. Il a été dans tous les gouvernements de guerre d’Algérie, dont ceux qui ont fait des exécutions capitales. Ses choix politiques : première candidature unique de la gauche en 65. Stratégie très claire : laminer le PC[4] puis, en 1981, développer le FN[5]. En effet, la gauche ne gagne que si elle est unique sous le PS[6] avec une droite divisée. C’est une politique qui a réussi, puisque la gauche est restée au pouvoir tant que le FN était fort, mais c’est une politique dangereuse car les bases sociales et culturelles en faveur de l’extrême droite en France sont très fortes : l’OAS[7] est formée par les pieds-noirs[8] et l’armée. Quand l’OAS est battue à la fin des années 60, De Gaulle décrète une amnistie et 3000 membres de l’OAS sont intégrés dans la police. Les problèmes de racisme très importants qui découlent de cette décision ne sont toujours pas réglés aujourd’hui. Ce n’était pas du tout le cas auparavant (après 1945), quand la police comprenait une grande partie d’anciens résistants.
Avec l’élection de Mitterrand, j’ai vu le syndicalisme se décomposer à cause de sa confiance aveugle dans le pouvoir politique. Cela ne correspondait pas à mes convictions profondes. J’ai quitté le syndicat en 83. J’ai passé dix ans de désespoir, sans passion, avec l’impression d’échec d’une génération. J’ai le même sentiment avec mes petits enfants, à qui je laisse un monde pire que le mien… Pendant mes années de militantisme syndical, je considérais mon travail d’historienne un peu comme un laboratoire pour comprendre le présent. Par exemple, au XIXème siècle, meurt le compagnonnage qui laisse place au syndicalisme. En 1980, je faisais une recherche sur la crise économique à partir d’entretiens d’un millier de patrons d’alors. Quand je négociais en direct avec les patrons de mon temps, c’était passionnant de voir ce qui évoluait dans leurs discours depuis 100 ans.
Q : Comment être syndicaliste pour les entreprises tout en étant professeur d’université ?
R : Dans le syndicat, il y a les branches professionnelles et inter-professionnelles (géographiques). J’étais secrétaire générale de l’Union Départementale de Paris qui regroupe tous les syndicats professionnels du département. J’y suis venue par le syndicat enseignant. Cette structure géographique est un héritage des anarchistes, elle a un poids très important.
Q : C’est pareil en Espagne.

En 1993, j’avais un article d’histoire à finir sur le patronat. Le premier août, sur la route des vacances, je prends un polar de James Ellroy (« L.A. Confidential »). Ça a été un choc : ce roman est d’une force extraordinaire. J’avais lu des études sur Los Angeles mais Ellroy c’était plus fort : on est dedans. J’ai alors lu tout ce qu’on avait traduit en français de lui. J’ai dit : « J’arrête l’histoire, j’écris des polars ». J’ai eu envie de faire l’histoire intellectuelle de ma génération : si on n’a pas réussi, on peut au moins raconter ce qu’elle a été.
En deux ans, je sors mon premier polar (« Sombre sentier », un succès). Ma formation d’historienne m’est très utile : je fais environ six mois de documentation sur mon sujet, avec la technique que j’ai apprise dans mon métier. Ensuite je fais une grille qui structure mes histoires comme je faisais dans mon métier, je fais des fiches très détaillées sur les personnages… Je pars d’un thème, les personnages émergent et sont l’expression de ce qu’ils représentent. Il faut qu’on soit plus vrai que vrai dans un roman.
Je reste très marquée par la chronologie : « ça ce passe quand ? », « Si ce n’est pas daté, ça n’existe pas », etc. Par exemple, dans le « Corps noir », tout se passe du 6 juin au 25 août 1944 et les mêmes personnages sont différents entre ces deux dates. Je me souviens de mon premier cours comme professeur : il s’agissait d’expliquer pourquoi, en 1934, la natalité passe pour la première fois en dessous de la mortalité. Mes élèves s’exclament : « C’est à cause de la seconde guerre mondiale ! ». J’ai été traumatisée !
Q : d’où la structure du livre qui ressemble à un journal de bord…
Q : Il y a aussi tant de personnages que ce sont les dates qui permettent de s’y retrouver, non ?
Q : Pourquoi Montoya, Romero, Fernandez… ?
R : Il y a beaucoup d’Espagnols en France !

Q : Pour quelle raison y a-t-il autant de scènes sordides et de prostitution ? Est-ce une réalité ? Une manière de confondre le coupable ?
R : Il faut regarder au cas par cas. Dans « Lorraine Connection », Tomaso est épouvantable. Il souligne le développement considérable des mercenaires (la troisième force en Irak après les Américains et les Anglais ; la guerre de Bosnie a été un terrain d’entraînement pour les mercenaires et pas seulement pour le djihad).
Q : Ils sont un peu tous pareils aujourd’hui dans l’armée, on se bat pour l’argent, pas pour l’idéal.
R : C’est vrai sauf que les mercenaires sont incontrôlables. Un viol n’est choquant que chez nous, pas pour eux… Quand ils reviennent, en France notamment, ils développent des sociétés de sécurité.
Dans « Nos fantastiques années fric », il s’agit de trafic d’armes. Tout le monde sait qu’il a toujours lieu avec des prostituées.
Dans le « Corps noir », il y a des scènes de torture : on ne peut pas parler de ces années sans la Gestapo.
Q : On dirait que tout se passe autour des femmes ?
R : Regardez la réalité, par exemple Christine Deviers-Joncour (affaire Elf, 1989-1997). Dans « Sombre sentier », c’est comme en vrai, les filles couchent ou alors elles ne défilent pas (milieu de la mode). C’est pareil pour les hommes dans la haute couture.

Q : quelle a été la documentation pour « Lorraine connection » ?
R : C’est une histoire très romancée, qui recoupe deux événements qui ne se passent pas en même temps.
Il y a d’un côté la privatisation de Thomson en 1996 (sous Juppé et Chirac). La décision avait été prise de vendre la partie multimédia pour un franc symbolique à Daewoo et le reste à Matra Défense. Finalement, ça ne se fait pas, cela sans explication. Deux ans après, Daewoo fait faillite et les journalistes commentent : « L’entreprise est en faillite potentielle depuis 1985 ». On devait donc le savoir en 1996. Deux mois après, fuite du patron de Daewoo avec 2 milliards de dollars.
D’autre part, en 2003, dans la dernière usine de Daewoo en Lorraine, la police arrête un ouvrier accusé d’avoir mis le feu. Je n’y crois pas. J’y vais, je fais des interviews. On fait un comité de soutien à l’ouvrier. J’apprends que le comité d’entreprise a demandé une expertise comptable. Je retrouve le rapport sous le lit d’un employé et je lis noir sur blanc le système décrit dans le roman : « Entre deux pays, au sein de la même entreprise, achat de matières premières très cher pour vendre ensuite les produits finis bon marché ». Ce qui explique la faillite ! On parle d’usines tournevis : montées pour pomper l’argent. Le problème alors c’est qu’il n’y a plus de mouvement ouvrier et le rapport n’est jamais sorti. Lors du procès de l’ouvrier, le procureur a voulu défendre l’enquête et a dit : « Cette enquête est exemplaire. Ça ne peut pas être les syndicats, c’est un individu isolé et colérique. On va donc écouter la rumeur ».
Dans un roman, il faut garder les faits qui montrent plus qu’eux-mêmes. Par exemple, la décapitation de l’ingénieur coréen est réelle.

Merci Dominique de nous avoir ainsi tenus en haleine durant presque deux heures,
A vos livres !
Béatrice pour AFG,
[1] Législation de l’avortement en 1975 (définitive en 1979)
[2] Les femmes ont le droit de voter à partir de 1944 ; la première femme maire d’une ville de plus de 100 000 habitants est élue en 1989…
[3] Voir notamment : http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Cagoule
[4] Parti Communiste
[5] Front National
[6] Parti Socialiste
[7] Organisation Armée Secrète (organisation française politico-militaire clandestine et terroriste, partisane de l’Algérie française, voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Organisation_armée_secrète)
[8] Colons français en Algérie : ceux qui portaient des chaussures, d’où leur nom.